Trois-Balais

- 4 verres de bièraubeurre... Ce n'est pas trop pour une jeune fille comme elle ?

Je te rejoins Lunaë !

L'hiver était rude cette année-là. Je n'avais pas plus de travail qu'à l'ordinaire, car mes fonctions ne dépendaient pas du temps. Je n'étais pas garde chasse et n'étais pas en conséquence chargée de l'entretien du parc. Les balais utilisés en cours de vol étaient bien conservés dans leur grange. Les élèves devaient prendre la seule précaution de mettre un pull de plus lors des partie pratique. Néanmoins, le château glacial ne m'attirait pas. Je n'avais aucune envie d'y passer l'après-midi. Aussi décidai-je de prendre une bierraubeurre aux trois-balais. Le liquide brûlant me réchaufferait plus efficacement qu'une simple tasse de thé. Je me rendis au pub à pied, parcourant à longues enjambées le chemin séparant Poudlard et Pré-au-Lard. 
 
Arrivée au village, je me précipitai sans hésiter en direction du bar. En poussant la vieille porte grinçante, je constatai qu'il était plein, comme à l'ordinaire. Je réfléchissais à l'endroit où je prendrais place. Il y avait bien une table vide au bout. Mais je pressentais le piège. Il se pouvait qu'un courant d'air glacé chassait ses visiteurs. Aussi décidai-je plutôt de m'installer à la table de la directrice de Serpentard. Je m'apercevais que je la connaissais bien peu. C'était curieux, j'avais déjà discuté avec Stéphany plusieurs fois ; alors que monsieur de la Feylodair venait d'arriver nous nous étions promenés au parc ensemble, mais je n'avais jamais conversé avec la jeune femme. Enfermée dans ses cachots, je la croisais bien moins souvent que mes collègues professeurs. 

- Bonjour Lunaë, je peux m'asseoir ici ?

Le temps ne comptait plus pour Lunaë. Celle-ci ne savais pas combien de temps avait-elle déjà passé dans ce bar à observer son environnement proche entre deux gorgées de Bierraubeurre réchauffante. As-telle passé dix minutes, trois quarts heure voir même une heure et demi en ces lieux ? Même la principale intéressée ne le savait. Au moins, le froid était qu'un lointain souvenir et les problèmes de travail que de simple poussières balayées au loin. Mais encore pour combien de temps ? Il n'était pas le moment d'y penser. Lunaë préféra fuir pour une fois ses petits tracas.

Alors que cette dernière venait de commander un nouveau verre de Bierraubeurre, Lunaë constata une nouvelle arrivante dans le bar : Rosalie, une des directrices et professeure de Poudlard. En premier temps, la directrice de maison fut étonnée puis se dit qu'il était normal de sortir un peu et prendre son de soi. Après que son verre soit arrivé, elle remarqua que la directrice chercha quelque chose ou quelqu'un, tourna la tête apercevant Lunaë et s'avançant en sa direction. Malgré les boissons bu, la jeune femme appréhendait en voyant Rosalie s'approcher. Avait-elle fait quelque chose qu'il ne fallait pas ? Ou était-ce juste pour discuter ? Arrivée au niveau de la table de la vipère, elle lui demanda juste si elle pouvait s'installer à sa table. Soulagée, Lunaë acquiesça.

« Bonjour Rosalie, bien-sûr, la place est libre ! »

Tout en prononçant ses paroles, Lunaë tira une chaise à proximité d'elle pour pouvoir permettre à la directrice de s'installer.

  La directrice parut surprise de mon arrivée. Mais elle m'accepta sans souci à sa table, tirant la chaise à proximité. J'observais ma collègue avec un regard curieux. Elle avait bu, beaucoup bu, trop bu peut-être. J'ignorais les raison la poussant à boire. Avait-elle des soucis en ce moment ? Inquiète de sa santé, mais aussi responsable du comportement du personnel de l'école, je lui recommandai doucement.
    
- Vous ne devriez pas tant boire Lunaë...
    
   Et si la jeune femme devenait saoul dans l'établissement ? Que penserait-on de moi ? La directrice de Serpentard n'était pourtant pas rendu à ces extrémités. Pour l'heure elle se maîtrisait suffisamment pour rester courtoise, avenante et capable de parler. Elle tenait l'alcool. Cependant, je restais prudente, sachant qu'une dizaine de bierraubeurre pourrait faire son oeuvre. Je détournais finalement la conversation.

  - Comment allez-vous ? Il fait froid n'est-ce pas ? Les cachots ne sont pas trop glacials ?
      
   J'espérais que les elfes de maison faisaient leur travail et n'oubliaient pas d'alimenter les cheminées du sous sol. Si les couloirs ne pouvaient pas tous être chauffés du fait de leur superficie, les salles communes devaient rester chaudes et accueillantes. Je ne voulais pas que le premier contact des nouveau venu avec l'école les fasse rentrer chez eux. A ce sujet, j'interrogeai Lunaë sur leur intégration.

  - Les nouveaux s'intègrent-ils ? Mesdemoiselles Ollivander, Rosier et Malfoy trouvent-elles leur place ? Et le jeune Matthias Potjed ? Il me semble qu'il n'a jamais trouvé le chemin de la salle commune.

Après que sa collègue fût installée à la table, celle-ci lui recommanda de ne pas boire autant. Lunaë ne pu s'empêcher d'un peu rigoler. Non pour manquer de respect à Rosalie, mais parce que dans son passé, celle-ci buvait pas mal et cherchais la moindre excuse pour boire un verre. Ce n'est pas la chose la plus recommandable certes, mais c'était le nécessaire pour oublier les longues années de douleurs et de souffrance que son père lui avait infligé. Et c'est toujours mieux de boire un verre de temps en temps que d'ingérer des choses illicites. Il lui était donc possible de tenir l'alcool. En tournant la tête, la Serpentard constata la mine inquiétée de la directrice, sans doute pour elle et pour l'image de l'établissement, il est vrai que ça ne serait pas la meilleure des choses de voir une DDM bourrée. Pour tenter de rassurer cette dernière, Lunaë lui dit d'un ton calme et posé.

« N'ayez craintes, j'ai déjà bu de biens plus grandes quantités sans tomber ivre morte sur le sol. Je sais me contrôler. Et au pire, je ferais un tour dehors avant de rentrer au château. »

 A peine ait-elle eu le temps de conclure sa réponse, Rosalie tenta de détourner la conversation. Se sentait-elle un peu coupable ? Pourtant il ne fallait pas, c'est normal de s'inquiéter pour le personnel et l'image du château. Cette fois-ci, elle lui demandait si elle allait bien et si la température ambiante des cachots convenait.

« Cela peut aller, merci. Je continue toujours les travaux dans la salle commune et cela m'occupe le principal de mon temps. Mais c'est une étape obligatoire pour pouvoir offrir à mes petits serpents le meilleur. C'est une étape fatigante, mais je pense commencer à en voir le bout. Enfin j'espère...

Cela faisait bizarre à la directrice de maison "d'aimer" des personnes. Elle qui n'avait jamais été aimé par son propre père et trop lointainement aimé par sa mère. Elle ne savait pas jusqu'à peu ce que c'était d'avoir de l'affection pour les gens et elle admettais que c'était plutôt agréable. Mais le vide sentimental de son enfance resta trop puissant malgré les Bierraubeurres bu et la jeune femme dû arrêter de parler pendant quelques instants. Sa gorge se serra et bloqua alors toute tentative d'énonciation. Se rappelant de la présence de la directrice, Lunaë se concentra pour reprendre ses esprits et tenta de reprendre ses esprits.

...Euh sinon... Les euh-cachots sont assez bien chauffés en sa globalité à mon goût sauf à quelques endroit où le les trouve particulièrement glacés. Je ferai un sondage au sein de la maison et je vous transmettrai les réponses au plus vite. »

Décidément, ce n'était pas sa journée. Son esprit lui rappela les longues heures où Lunaë fut enfermée dans le garage glacial pendant des heures pour échapper aux coup de fouet de son père. Ce n'était pas le moment de se rappeler de ça. Mais sans avoir aucun contrôle de soi, la jeune femme ne pu s’empêcher de faire couler une larme qu'elle sécha rapidement en espérant que son interlocutrice n'ait rien vu.
 Essayant de faire diversion, Lunaë répondit quasi instantanément aux reste des questions qui portait sur les nouveaux élèves.

« Ils sont encore assez timides. Parfois je les vois un peu. Il est vrai que malgré mes indications, je n'ai jamais vu le jeune Potjed. Mais je les comprends, tout est encore en évolution. Je suis partie de presque rien et j'ai réussir à construire petit à petit une ambiance. Mais tout est encore en constant changement, il est normal qu'ils soient un peu timide. Je serai pareille à leurs places. Ou peut-être ont-ils aussi peur de moi haha... Enfin je rigole mais il est vrai que j'ai parfois l'air d'être froide et pourtant, je fais mon maximum pour eux.. »

Lunaë ne se sentait pas bien, on lui avait inconsciemment tiré quelques une des cordes les plus sensibles. Elle avait besoin de changer de sujet et vite.

« Et sinon, comment allez-vous ? N'est-ce pas trop fatigant de gérer le fonctionnement du château ? »

La directrice de Serpentard continua de boire. Elle négligea ma recommandation en m'expliquant qu'elle avait déjà bu bien davantage. Elle résistait bien à l'alcool. En outre, la bierraubeurre n'était pas très forte. Je me méfiais tout de même des breuvages alcoolisés. En très grande quantité, ils pouvaient devenir dangereux. Lunaë m'assura qu'elle savait se contrôler. /Ils disent tous cela/ pensais-je. Mais à une certaine dose, les consommateurs ne sont plus maîtres d'eux-mêmes. C'était un fait, incontestable. Mademoiselle Shiokarāzu n'était pas à ses extrémités, je la croyais. si elle continuait à boire des heures durant elle pouvait quand même atteindre l'état d'ivresse.
   
Notre conversation se poursuivit sur la salle commune de Lunaë. Une conversation banale en somme. Elle me raconta que la température lui convenait, qu'elle faisait tout son possible pour aménager sa salle commune et qu'il lui restait encore beaucoup de travail. Je percevais chez la Serpentard une boule dans sa gorge. Elle me paraissait ailleurs, comme si elle menait la conversation distraitement tout en pensant à autre chose. Accordait-elle de l'importance à ses propos ? Quels maux la touchaient ? Je la laissais néanmoins continuer, la fixant de mes grands yeux bleus, tentant de découvrir ce qui la troublait. Je n'étais malheureusement pas Legillimens.
   
Je poursuivais mon observation attentive. Aussi son geste vif pour sécher sa larme ne m'échappa pas. Posant ma propre bierraubeurre, je m'approchais de ma collègue et lui posai ma main sur son épaule avec une douceur infinie.  
    
- Puis-je vous aider ?
    
La jeune femme enchaîna en insistant sur le fait qu'elle était partie de rien. Je percevais sa fierté d'avoir su aménager sa salle commune. Je ne pouvais que l'en féliciter. Lunaë eut un petit rire. Je ne souriais pas face à ce rire mi forcé de celui qui est désespéré et qui tente de se remonter le moral. Je connaissais peu Lunaë. Je ne devais pas rester insensible face à la souffrance humaine. D'humain à humain, nous partagions des sentiments, des expériences.
 

 - Souhaitez-vous parler ? Je partage votre chagrin. Je comprendrais néanmoins que vous souhaitiez garder la peine en votre cœur. Mais s'il y a quelque chose que je puisse faire pour alléger le fardeau qui pèse sur vos épaules, ce serait avec plaisir. 
    
La directrice de maison s'enquit elle aussi de mon quotidien. Je ne souhaitais pas détourner la conversation pour échapper au problème. Il fallait y faire face.

 - Cessons les futilités. Je me porte bien. Dites-moi plutôt ce qui vous tracasse.